Josef Svoboda 1920-2002 : La scénographie des images projetées du théâtre « kinétique » au « polyécran »
Josef Svoboda 1920-2002 : La scénographie des images projetées du théâtre « kinétique » au « polyécran »
« Mon principal champ d’action est le théâtre kinétique et de lumière. L’un des nouveaux principes du théâtre de lumière est la projection sur deux écrans formant entre eux un angle de 45° et qui se coupent suivant une ligne horizontale auprès de laquelle on obtient une lumière diffuse parfaite. Cela donne une grande profondeur à la scène, même si l’on n’utilise pas sa profondeur totale. C’est ce principe qui est à la base du décor pour Un Dimanche d’Août par F. Hrubin.
Mais le procédé le plus intéressant est celui de la Lanterne Magique et celui du polyécran. Ils furent mis au point après de nombreuses années d’expérience dans le théâtre - à partir de 1946 -, de recherches expérimentales en atelier, visant à combiner et synchroniser le théâtre et le cinéma. J’ai essayé de créer un nouveau rapport entre scène, écran, interprétation vivante, danse et chant... Cela n’est pas une idée neuve au théâtre. […] Nous parvenons au résultat désiré en contrastant des images, en jouant sur leur rapport mutuel, leur rythme dans le temps et l’espace. Nous combinons ainsi à l’image plastique la naissance d’autres images et de décors entiers, un montage mouvant et un rythme spatial variable. Nous obtenons de cette manière un espace dramatique évoluant en cours d’action dramatique
[…] Alors qu’autrefois le décor se composait de toiles, panneaux et accessoires peints et d’appareils classiques parmi lesquels j’englobe la scène tournante et les chariots, j’ai créé mon propre système d’éclairage et de machinerie. […] Pour l’opéra Svatopluk de E. Suchon, nous avons instauré un nouveau dispositif d’éclairage créant des murs de lumière, etc. En partant de cette volonté de recherche de nouveaux moyens d’expression, j’ai créé un ensemble d’appareils qui me permet d’improviser au début des répétitions, puisque ces appareils sont incorporés à l’équipement permanent du théâtre. Ils comprennent des projecteurs kaléidoscopiques spéciaux. des sources de lumière réfléchie, des surfaces de projection mécanisées, un dispositif mécanique combiné avec divers pans fixes, des tapis roulants ou des projecteurs de films spéciaux permettant de faire dévier l’axe de projection. Ce dernier dispositif nous permet de déplacer une image à travers la scène et de suivre mécaniquement un acteur ou un danseur au moyen de panneaux dont la position peut être modifiée. Ce procédé, comme le polyécran, est de mon invention.
[…] Le principe de la Lanterne Magique et le polyécran furent inaugurés en 1958 à l’Exposition de Bruxelles où ils furent chaleureusement accueillis par le public et remportèrent de nombreux prix. Dans la Lanterne Magique, nous avons essayé, le metteur en scène Alfred Radok et moi-même, de créer un art synthétisant le film et le théâtre, combinant l’image projetée et la scène à trois dimensions, l’acteur vivant à trois dimensions et l’acteur projeté à deux dimensions. Élément non moins important : la scène spéciale mécanisée. Celle-ci est conçue de manière à permettre une liberté complète dans la réalisation de changements spatiaux de manière à fonctionner en accord constant avec les avantages du cinéma. C’est ainsi que des changements instantanés sur la scène correspondent à un découpage de film rapide, et que les éléments scéniques évoluent parallèlement aux successions d’images du film. Pour cela, nous utilisons divers écrans mécanisés (inclinables, orientables vers l’avant ou le côté), des panneaux fixes, des tapis roulants et des trappes en ciseau de notre propre invention. »
[Josef Svoboda]